
La capacité d'être seul: une étape essentielle !
« Mais vas jouer un peu tout seul ! Pourquoi as-tu toujours besoin d'être dans mes pattes ? T'es pot de colle à la fin !».
Il est des enfants qui n'arrivent pas à être seuls : dans leur chambre pour jouer, dans le jardin si frérot ou soeurette est rentré(e), ou 10mn dans le salon le temps que maman sorte la lessive ou que papa aille ranger un truc à la cave.
La capacité d'être seul commence à s'acquérir dans les tous premiers temps de la vie de bébé. Or, petit paradoxe, pour apprendre à pouvoir être seul, il faut d'abord expérimenter pleinement le fait d'être à deux !
Winnicott, psychanalyste anglais du 20ème siècle a bien étudié la question. Voici, (avec décodeur, rassurez-vous !) ce qu'il en explique...
C'est qui Winni ?
Donald Wood Winnicott (qui a toujours la côte!) est donc un psychanalyste british, qui s'est beaucoup intéressé aux bébés, aux enfants et à leur univers: le jeu, les objets transitionnels (soit les fameux doudous!), la famille, etc. C'est lui notamment qui a dit qu'une maman devait être « suffisamment bonne » (autrement dit ni défaillante, ni parfaite : juste au milieu quoi!).
Il a également élaboré un petit jeu sympa à faire avec les enfants : le Squiggle (prononcez skouigueule!). Il s'en servait en séance avec les petiots pour sonder leur inconscient, mais à faire à la maison, dans le train ou ailleurs, c'est sympa comme tout. Explications ICI

Être seul.... cap, ou pas cap ?
« On a plus écrit sur la peur d’être seul, ou le désir d’être seul, que sur l’aptitude à être seul » (D.W.W).
Voilà qui pose d'emblée notre sujet !
En effet, les parents confrontés aux enfants qui font office de pots de colle pensent volontiers que ces derniers n'ont tout simplement pas l'envie de jouer seul, mais ont en revanche celle, énorme, de les suivre à la trace pour les embêter ou attirer leur attention!
Or, comme le souligne Donald, il ne s'agit pas forcément ici d'envie de coller le parent ou même de peur d'être seul dans sa chambre, mais bien plus souvent de la capacité non acquise à pouvoir être seul.
L'enfant qui ne peut s'éloigner de vous ne le fait donc pas obligatoirement dans le but de vous énerver ! Il n'a souvent tout bonnement pas bien acquis le fait de pouvoir rester seul avec lui-même, sans un autre à portée de vue. Parce qu'être seul, pour lui, c'est insécurisant à souhait!
Mais comment l'enfant apprend-il à être capable d'être seul ?

Être seul... mais d'abord en présence de maman !
Lorsqu'il est tout petiot, le bébé ne se rend pas compte qu'il est un être à part entière, séparé de maman. Celle-ci est comme un prolongement de lui-même. C'est un peu comme si, à cet âge de sa vie, le bébé se vivait comme « moi-maman ». Un brin indissociable ! Or, pour pouvoir petit à petit se découvrir et faire l'expérience de lui-même, il faut que maman soit fiable, sécurisante et aimante.
Par exemple, il est sur ses genoux, tranquilou : il se sent en sécurité ! Et là, un petit instant, il va comme oublier sa maman pour s'intéresser tout seul, par lui-même, au bruit qui vient de la cuisine par exemple, ou au nounours posé par terre un peu plus loin. Et hop, il revient à maman : elle est bien là, tout va bien !
A force de répéter ces expériences, bout de chou va pouvoir « quitter » maman un peu plus longtemps, puis y revenir. Et encore un peu, jusqu'à pouvoir rester seul à ses activités sans que maman soit dans la même pièce.
Mais pour atteindre cette capacité d'être seul, il faut donc d'abord que l'enfant puisse être seul en présence de sa maman. Qu'elle soit pleinement là !
C'est un peu comme si celle-ci faisait office de baudrier ! Bien relié à elle et donc sécurisé, il peut partir à l'aventure tout seul : « si y a un soucis, paf, elle est là avec ses bras grands ouverts pour me réconforter ! »
PS: Evidemment, il faut aussi que de son côté maman soit suffisamment sécure pour accepter que bambino la laisse un peu afin d'aller découvrir, seul, le monde qui l'entoure! Bref, qu'elle le laisse se "détacher" peu à peu...
Même pas là... Maman est là !
Puis, l'enfant grandissant, il va peu à peu comprendre et intégrer le fait que ce n'est pas parce que maman est sortie de la pièce qu'elle a disparu à jamais ! C'est comme le jeu du « il est caché - le revoilà ! » avec nounours. Si je ne vois plus l'autre, ça ne veut pas dire qu'il n'existe plus. Grande avancée pour bébé, qui va l'aider à se sécuriser... Et le doudou viendra ensuite aider, en étant une sorte de bout de maman, que je peux avoir avec moi quand elle n'est pas là !
Pour pouvoir être en confiance et intégrer ce qu'on appelle la permanence du lien, (si j'ai besoin d'elle à un moment, maman est là et elle viendra!), il faut donc que bambino ait d'abord pu faire l'expérience de cette présence fiable.
Si, tout petit, il se retrouve seul trop vite, trop longtemps, ça risque d'être compliqué. Être seul signifiera pour lui : stress, flippe, insécurité, angoisse.
C'est pourquoi il est important avec les petits de créer une continuité dans la présence : si vous devez le laisser dans le salon le temps d'aller faire un truc en cuisine, continuer de lui parler. Il ne vous voit plus, mais il entend votre voix : vous êtes bien là. Le lien continue d'être présent. Et, à force de faire ces expériences, bambino arrivera à un moment donné à être capable d'être seul, puisque bien sécurisé !

Si c'est déjà trop tard ?
Si pour x ou y raisons votre enfant n'a pas intégré cette capacité, pas de panique ! Il va falloir lui apprendre à se sécuriser. Pour ce faire, il faudra accepter de reprendre un peu les choses à la base, et d'aller avec lui dans sa chambre pendant qu'il joue par exemple. Puis, une fois qu'il commencera à pouvoir se détacher de vous et jouer seul pendant que vous êtes avec lui, commencez tout doucement par lui dire : « Bouge pas, je vais très vite chercher quelque chose et je reviens ». N'hésitez pas à continuer de lui parler par exemple. Si c'est ok, faites un tout petit peu plus long la prochaine fois, et encore la suivante.
S'il stoppe net son activité pour vous suivre, essayez de faire la chose sous forme de jeu : « On va faire un jeu, tu vas voir, ça va être rigolo : je vais aller chercher mon carnet dans la cuisine : pendant que j'y vais, je vais chanter une chanson et toi tu vas essayer de rester là et d'écouter tout ce que je vais dire, et quand je reviens, tu me diras ce que racontait la chanson. 1,2,3... top ! »
Usez aussi un maximum de tous les jeux de cache-cache ! Petit à petit, votre enfant se sécurisera, et pourra être seul avec lui-même plus facilement.
Pour résumer : afin de pouvoir être seul avec lui-même de façon sécure, il faut d'abord que bambino ait fait l'expérience de la sécurité apportée par maman... Quand ça a pu se faire : youpi ! Si on a raté le coche, et ben c'est pas perdu : on se retrousse les manches, et on réapprend ensemble à sécuriser le lien !
Nb : parfois, l'incapacité d'être seul relève d'autre chose, comme une expérience de séparation précoce avec maman ou papa par exemple, qui a beaucoup insécurisé l'enfant. Aller dénouer cette peur ancienne avec un psychologue aidera alors grandement à re-sécuriser tout le monde !
Ps : Paul : « Elle m’énerve la psy là, parce qu'elle parle que de maman, et re maman ! Comme si nous les papas on comptait pas ! »
Il se trouve que le tout premier contact établi par l'enfant, c'est (dans la majorité des cas) avec sa mère. Et donc avec elle qu'il va faire certaines des toutes premières expériences essentielles à son bon développement.
Mais rassurez-vous messieurs les papas : votre mission si vous l'acceptez, la voici !
Pour que maman arrive à bien sécuriser bébé, elle a besoin que vous la sécurisiez sur sa capacité à être une chouette maman... sécurisante ! Et quand bébé la lâche un peu, à vous aussi de le sécuriser en jouant à cache-cache, en prenant le temps d'être avec lui, puis à côté, puis de nouveau avec lui, etc !
Bref, c'est un travail d'équipe ! Et dans cette équipe, votre place est essentielle !
©cestpsysimple.janv2018