
"Fais ce que je dis, pas ce que je fais"
ou les risques de l'incohérence éducative!
Les parents attendent beaucoup de leur enfant : qu'il travaille bien à l'école, qu'il aille se coucher sans râler de ne pas avoir plus de temps devant la télé, qu'il soit poli, calme, etc.
Or, quand les parents se plaignent d'un « problème » avec leur enfant, on s'aperçoit assez souvent que ce « problème » vient du fait qu'ils demandent à Bambino l'inverse de ce qu'ils lui montrent ! (allez, pas toujours, mais si si, c'est assez fréquent!)
Alors oui, on a le droit de faire des ptites boulettes dans notre rôle de modèle adulte. C'est humain ! Mais en matière d'éducation, trop d'incohérences peuvent finir par générer de la souffrance. Pour éviter d'en arriver là, petite explication !
Les parents: premier modèle d'identification.
Les premiers adultes que l'enfant va cotoyer sont ses parents. C'est avec eux qu'il va faire la TOUTE PREMIERE expérience de sa vie en matière de lien affectif. (C'est quand même pas rien : vous êtes sa première référence !)
Découvrant peu à peu que, vu votre statut de « grands », vous avez visiblement une marge de manœuvre plus importante que lui, il va tout naturellement chercher à vous imiter : pour grandir, développer ses capacités, chercher son identité, bref : se construire.
Du coup, vu qu'il n'a aucun autre repère que vous au début, l'enfant va vite déduire que : « si maman fait comme ça, c'est comme ça qu'il faut faire », et idem pour papounet : « s'il agit comme ça, c'est que c'est comme ça que font tous les papounets ! ».
C'est pourquoi il est important que ce que l'on montre et exprime à l'enfant soit un minimum raccord avec ce que l'on souhaite qu'il apprenne et acquiert comme comportements, compétences et autres attitudes...

Cohérence...
Commençons en revenant à la source du mot :
Définition : « Rapport d'harmonie ou d'organisation entre des éléments ». (linternaute)
« absence de contradiction entre des données, des idées ou des informations ». (wikipedia)
Synonymes : liaison, accord, harmonie.
Lorsqu'il y a cohérence dans l'éducation mise en œuvre par les parents, l'enfant peut grandir dans un monde qui est logique : il peut relier les choses entre elles de manière claire, puisqu'il perçoit que ce qu'on lui demande est identique à ce qu'on lui montre.
Exemple : on lui demande de respecter le fait que parfois il peut ne pas être d'accord avec son frère ou sa sœur mais qu'il faut respecter l'avis de l'autre. Or, il voit que quand papoune et mamoune ne sont pas d'accord, ils en parlent, parfois avec insistance mais en se respectant.
L'enfant va pouvoir faire la connexion dans son cerveau entre : quand pas d'accord =) respect, échanges, paroles.
Les choses vont dans un même sens pour ses parents et pour lui. Tout va bien : c'est raccord, et donc il peut grandir en harmonie avec les informations qu'il reçoit. Son petit monde s'organise en ayant du sens.
...Et incohérence !
Passons à l'incohérence :
Définition : « Qui manque de logique » (wikipedia) « Caractère de ce qui est incohérent, illogique » (linternaute)
Synonymes : confusion, chaos, désordre, absurdité
Illustrons directement par un exemple :
« On vient vous voir parce que la maîtresse nous a convoqués : Théo dit énormément de gros mots à l'école, à ses camarades, mais aussi à la maîtresse. On ne sait plus quoi faire! »
Or, seul en séance, l'enfant explique que « Papa il dit plein de gros mots, et pis il en dit même à môman ! ». Arf... Le sens de l'observation inouï de l'enfant !
Comment demander à un enfant de ne pas dire de gros mots et qui plus est de ne pas en dire aux adultes, quand le soir à la maison il entend papa dire « Oh, tu m'emmerdes ! » à maman, et celle-ci répondre « Vas te faire foutre ! » ?
S'il assiste à cela une fois, ça peut passer. Mais si c'est fréquent, prenant modèle sur eux, il va tout bonnement faire pareil. Les parents vont être dans l'incohérence la plus totale s'ils lui demandent alors de faire l'inverse d'eux, et le punissent de faire comme eux ! Bambino va se retrouver plongé dans la confusion et le chaos : « Je comprends rien! Ils me grondent, mais eux ils en disent plein des gros mots ??? »
Ici, les difficultés s'installent forcément, puisque l'enfant se retrouve bloqué devant un choix ingérable : obéir à l'interdiction des gros mots (mais devoir du coup ne pas ressembler à ses modèles privilégiés, ce qui génère entre autre de la culpabilité) ou les imiter quand même, mais se faire punir par eux, la maîtresse et autres adultes !
Ps : mentionnons la 3ème option qui arrive parfois et fait des ravages (en gardant ici l'exemple des gros mots): celle où les parents acceptent sans problème de dire des gros mots et d'en laisser dire à l'enfant. Forcément, l'incohérence va être encore plus violente pour l'enfant lorsqu'à l'école, par exemple, il va se faire punir pour ça ! La confusion empire, ainsi que le sentiment d'injustice et donc de révolte envers la maîtresse : « D'où elle m'interdit ce que mes parents me laissent faire???! »)

Les petites incohérences inévitables, mais tolérables !
Il est inévitable dans l'éducation d'un enfant de se retrouver face à de petites incohérences puisque nous avons tous des failles. Les parents, et les adultes en général, ne sont pas parfaits. Mais dans ce cas, il est important de pointer à l'enfant que vous êtes conscient de votre boulette, et en quoi c'est un plus pour lui qu'il ne vous imite pas sur ce point là.
Pour illustrer cela, je vais prendre un exemple vécu en séance avec un enfant.
Le ptit bonhomme repère un paquet de cigarettes dépassant de mon sac. Il me regarde et me demande :
« Tu fumes ? »
« Oui »
« C'est pas bien de fumer. Ça fait du mal. Pourquoi tu fais ça ? » (Et paf!)
« Tu as totalement raison, et tu peux en être fier. En effet, c'est pas bien de fumer. Mais voilà, j'ai fait la bêtise un jour de commencer, et il se trouve qu'après c'est pas facile de s'en débarrasser, pour plein de raisons. Il y en a pour qui c'est facile, et d'autres comme moi pour qui c'est plus dur. Donc toi tu as raison, et du coup, tu as plein de chances de ne pas commencer un jour et faire la même bêtise que moi ! Parfois les grands font des choses nulles, ça arrive. Il y a des choses chouettes qu'on peut imiter chez les autres parce qu'on trouve ça bien. Mais ce qu'on trouve nulle, faut pas l'imiter : au contraire, faut affirmer ce qu'on pense à l'intérieur de nous, ce qu'on pense bon pour nous ».
ps : je me dis souvent qu'en fait, ce sont les enfants qui nous font grandir. En effet, quelques mois après je suis passée à la cigarette électronique !
Lorsqu'on pointe à l'enfant qu'il a raison sur une incohérence de notre part, on le sort immédiatement de cette incohérence, puisqu'on la reconnaît, et qu'on lui montre qu'il a bien raison de ne pas vouloir imiter cet aspect-là de l'adulte. Bref, on remet de la cohérence !
(Attention cependant à ne pas tomber dans l'abus ! « Bon, tu vois, papa fume, boit, insulte et humilie ta mère, cogne le voisin, vole au supermarché, ok, c'est pas bien, je reconnais fiston, donc fait pas pareil ! »).
Vous l'aurez compris : l'enfant se calque sur ses repères parentaux pour se construire peu à peu. Alors si vous voulez qu'il grandisse dans le bon sens et s'épanouisse, évitez les incohérences et montrez-lui avec panache et fierté un, certes imparfait, mais BEL exemple !
Le petit plus ludique :
Quand vous vous rendez compte d'une petite incohérence de votre part, n'hésitez pas à utiliser le jeu pour y pallier avec votre enfant. Si l'on reprend l'exemple des gros mots : « Moi aussi, il faut que j'essaye d'arrêter de dire des gros mots, tu as raison ! On va essayer d'en dire le moins possible : on note sur un papier une croix si on a craqué ! Et à la fin de la semaine, celui qui a le moins de croix aura droit à un petit plus ! (à définir ensemble). Cela montrera à vos enfants que vous êtes prêts vous aussi à vous engager à faire les choses importantes que vous leur demandez ! Et cela désamorcera en plus bien des conflits...
©cestpsysimple.fev2018
