
Œdipe : mais de quoi parle-t-on ?

Pour la petite histoire !
Mister Œdipe est un ptit bonhomme de la mythologie grecque au destin pas fastoche ! En effet, avant même de naître, la Pythie (sorte de madame Irma de l'époque) avait prédit à ses parents qu'il tuerait papa et épouserait maman. Un brin flippant, on les comprend ! Du coup, lorsqu'ils ont un garçon, ces derniers vont l'abandonner et l'accrocher par les chevilles à un arbre. (Œdipe signifie d'ailleurs « pieds enflés »... Tout s'explique!). Mais l'enfant est sauvé et adopté par un autre couple : tout va bien !
Une fois jeune homme, Œdipe se fait traiter de bâtard lors d'un repas, et, on le comprend, ça le titille. Du coup, pour en avoir le cœur net, il va consulter lui aussi la Pythie qui, au lieu de lui répondre, lui dit la même chose qu'à ses parents : tu tueras ton père et épouseras ta mère.
Pour éviter de faire du mal à ceux qui l'ont élevé et qu'il croit être ses parents, Mister Œdipe décide donc de mettre les voiles et de quitter la région. Mais en chemin, un vieux sur son char lui grille la priorité à droite, et ils en viennent aux mains. Tellement, que le vieux meurt sous les coups du jeune garçon. Pas de bol, c'était son vrai père. Mais Œdipe ne le sait pas...
Poursuivant sa route, il arrive dans une ville où une espèce de bestiole mi-femme, mi-animal (la Sphinge) a décidé de terroriser tout le monde (on s'occupait comme on pouvait à l'époque!). Œdipe, pas pleutre pour deux sous, décide d'aller la défier. Elle lui pose une énigme, et le ptit bonhomme, probablement un surdoué de son époque, la résout en deux temps trois mouvements ! La ville est libérée et une fête est célébrée !
Pour le remercier, on lui offre le trône laissé vacant (celui de son père désormais kaput!) et en prime on lui offre la veuve. (Ah... L'époque où les femmes étaient offertes en cadeaux!). Forcément, il accepte la promotion et la récompense qui va avec, sans savoir, vous l'avez compris, que la veuve (pas joyeuse!) n'est autre que sa mère. Et puis, patati, patatra... Ils s'envoient en l'air : Œdipe a commis le deuxième acte de la prédiction de la voyante !
Certains disent qu'ils auront des enfants, d'autres pas. Qu'importe ! À ce stade de l'histoire, on peut dire qu'il est déjà suffisamment bardé de problèmes le ptit père ! Pour couronner le tout, une terrible peste s'abat sur la ville. Et pour sauver celle-ci (une deuxième fois donc!) il doit retrouver l'assassin de l'ancien roi. De fil en aiguille, et vu qu'il n'est pas bête, il finit par comprendre que c'était son père et en conclue brillamment qu'il a donc tué papounet et épousé mamounette !
Alors forcément, ça lui un fait choc ! Horrifié, il se crève les yeux : mieux vaut ne plus rien voir de cette réalité non ? Quant à sa mère, découvrant elle aussi le pot aux roses, et horrifiée tout pareil, elle se pend.
Quand la Psy s'en mêle, et parfois nous emmêle!

Dr Freud s'est appuyé sur ce mythe pour ériger son fameux complexe d'Œdipe : l'enfant désire son parent du sexe opposé, et a envie d'évincer du coup son parent du même sexe. Nombre de textes ont été faits sur ce passage de l'enfance, pas la peine d'y revenir !
Mais il y a quelque chose qui a sans doute été mis de guingois dans cette affaire : c'est une vision d'adultes, faite par des adultes, décrite par des adultes. Et les enfants là-dedans ?
Certains de ces adultes y ont fourré leur propre vision de la sexualité sans forcément bien se faire comprendre, et on se retrouve avec plein de gens qui pensent que la petite fille désire coucher avec son père et que le petit garçon ferait bien de même avec sa mère !
Amis du bon sens en action, stoppons les dérives ! Lorsqu'on observe les enfants à cet âge de leur développement psychologique, à la maison, ou bien en thérapie, et qu'on les écoute, il en ressort des : « Maman je dors dans le lit avec papa ce soir et toi tu dors ailleurs », « Peut-être papa il va se faire manger par des loups ? Mais je serai ton nouvel amoureux maman ! » etc. On voit aussi l'enfant imiter son fameux rival : mettre du rouge à lèvres pour les filles pour faire comme maman par exemple, ou prendre la place de papa au volant pour le garçon. (Des exemples, vous en avez plein, on en a tous plein!)
Alors, pour y voir plus clair, une chose est simple : se souvenir de notre enfance. De notre propre Œdipe (même si nombre d'analystes diront que c'est impossible vu qu'on a tout refoulé!). Pas totalement faux, évidemment, mais si on fouille bien... Enfant, avions-nous une idée de ce qu'est un rapport sexuel adulte ? Une pénétration ? Une fellation ?... A priori, non ! Ce n'est pas le sex-appeal de papa ou maman qui occupait notre esprit d'alors, mais bien plus ce désir incroyable, puissant souvent, de vouloir être l'unique, le merveilleux, le plus beau, le plus intelligent, bref, le plus important aux yeux du parent du sexe opposé. Et comme on n'était pas bête et qu'on a vite compris qu'à ce petit jeu-là notre parent du même sexe avait des attributs qu'on n'avait pas, et bien on essayait de l'imiter.
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L'Œdipe est alors principalement une question de place pour l'enfant. Le désir de piquer la place. Évincer l'autre, oui. Dans la tête d'un enfant, une option pour évincer est en effet souvent la mort : il le voit dans les contes, dans les dessins animés : paf, tu me fais de l'ombre, t'as qu'à mourir ! On le voit dans les jeux qu'il met en scène aussi. Et l'on voit également que : « ben non en fait, tu revis. On dira t'étais pas vraiment mort ! »
C'est là que se dresse un joli conflit intérieur pour l'enfant durant cette période : je virerai bien papa (ou maman), mais quand même, j'ai un peu peur des représailles, et puis aussi de perdre son amour. C'est ce qu'on appelle la culpabilité oedipienne !
Autant ptit père Œdipe n'a pas été aidé, autant l'enfant va pouvoir l'être si ses parents posent clairement les limites à son désir. Désir normal, sain, mais qu'il va lui falloir apprendre à diriger vers quelqu'un d'autre que papa ou maman, et surtout, à l'extérieur de la famille. Précision importante, car parfois l'Œdipe peut amener l'enfant à déplacer son désir sur frérot ou sœurette comme substitut plus accessible de papa ou maman...
Quand les parents posent correctement l'interdit de l'inceste (pas en famille que ce soit entre deux générations différentes ou entre même génération donc!), l'enfant va pouvoir poursuivre son développement tranquillement. Il pourra en garder quelques regrets (le désir œdipien est souvent tenace, même adulte!), mais il apprendra à renoncer à ce désir-là pour œuvrer à tous ses autres désirs...
Pour finir, on pourrait se poser la question suivante : et si c'était la Pythie (adulte) qui avait eu un ptit soucis avec l'inceste et le meurtre, qu'elle se serait mise à voir partout (en mode obsessionnel quoi!). Probablement qu'Œdipe n'aurait pas été abandonné par ses parents, qui l'auraient élevé tranquillement, et que son paternel lui aurait gentiment dit au moment où il aurait voulu s'asseoir sur son trône à côté de sa jolie maman : « Mon ptit Œdipe, t'es sympa, mais bouge tes fesses de là ! Ça, c'est mon trône et ma femme à moi : va te chercher et construire ton propre royaume ailleurs! T'en es capable, parce que t'es formidable!»
Comme quoi, tout est une question d'interprétation ! ;-)
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Lien vers: Le développement de la sexualité chez l'enfant
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