
Ados, sexe et internet :
réalités sur le cyber-harcèlement
Ils sont ados, s'inscrivent sur facebook, Instagram ou autres, et partent à la recherche d' « amis ». Sauf qu'aujourd'hui, dans les « amis » qui se manifestent et entrent en contact, il se trouve que beaucoup se révèlent être des prédateurs sexuels qui vont souvent se mettre à harceler la(le) jeune.
Mais le harcèlement peut aussi venir d'un(e) ex à qui l'ado avait envoyé des photos et/ou vidéos de lui(elle) dénudé(e)s, à l'époque où ils étaient « in love ». Ces contenus censés être « privés » peuvent alors vite se retrouver publiquement diffusés...
Les risques sont donc bien réels. Et lorsqu'un ado se retrouve victime de harcèlement à caractère sexuel sur internet, les dégâts, eux, ne sont malheureusement pas virtuels...

Quelques chiffres
Afin de prendre conscience de l'ampleur du phénomène de harcèlement, notamment sexuel, sur internet, voici quelques chiffres qui posent le décor et parlent d'eux-mêmes...
Selon une étude récente, 1 ado sur 4 a déjà reçu un texto à caractère sexuel
97 % des 12-17 ans ont accès à Internet (ordinateur familial, personnel…). La présence d’adolescents au foyer influe sur le taux d’accès à Internet à domicile.
=) en somme, les ados non connectés sont rarissimes! Donc la 97% des ados peuvent potentiellement se faire piéger s'ils ne sont pas prévenus des dangers.
48 % des 8-17 ans possèdent un compte sur le réseau social mondial Facebook alors que l’accès est interdit aux moins de 13 ans.
=) on a donc des enfants de 8 à 12 ans ( fin de classes de primaires donc!) qui ont, déjà, un profil Facebook... (parfois avec le total accord des parents!)
Source : étude du Crédoc, 2011.
Le Centre Hubertine Auclert* quant à lui s'est penché sur la question du harcèlement en ligne auprès de collégiens. Deux chiffres retiennent particulièrement l'attention :
20% des filles (13% pour les garçons) rapportent avoir été insultées en ligne sur leur apparence physique (poids, taille ou de toute autre particularité physique).
17% des filles (et 11% des garçons) déclarent avoir été confrontées à des Cyberviolences à caractère sexuel par le biais de photos, vidéos ou textos envoyés sous la contrainte et/ou diffusés sans l’accord et/ou reçus sans en avoir envie. Cela concerne ainsi près de 3 filles et 2 garçons dans chaque classe.
Nous ne sommes donc pas face à quelques rares cas isolés, qui toucheraient quelques filles et garçons complètement paumés. NON : 1 fille sur 6 en moyenne se retrouve confrontée à ce phénomène, et quasiment 1 garçon sur 10...
C'est donc un fait : le harcèlement à caractère sexuel est bien présent sur les réseaux sociaux. Et il devient malheureusement de plus en plus fréquent.
(voir l'interview et la vidéo de Marie en lien en bas de page)

Un langage particulier
Ce phénomène en expansion voit le vocabulaire* qui lui est consacré se diversifier et s'enrichir au gré des nouvelles techniques inventées pour s'en prendre à quelqu'un !
Tout d'abord, le cyber-harcèlement au sens large, est un « acte agressif, intentionnel perpétré au moyen de formes de communications électroniques, de façon répétée à l'encontre d'une victime » (peter K smith, 2008)
En ce qui concerne les « techniques », nous avons le sexting* : sextos en français. C'est l'acte d'envoyer électroniquement des textes ou des photographies sexuellement explicites surtout d'un téléphone portable à un autre. Le sexting peut conduire à une forme de cyber-harcèlement, dont le revenge porn en est un cas particulier typique.
Puis il y a le fake porn* : montage réalisé à partir du visage de quelqu'un, que l'on incruste sur une photo ou vidéo pornographique dans le but de la diffuser et/ou de faire chanter la personne.
Nous avons aussi, particulièrement inhumain, le happy slapping* (ou vidéolynchage) qui est une pratique consistant à filmer l'agression physique d'une personne à l'aide d'un téléphone portable. Le terme s'applique à des gestes d'intensité variable, de la simple vexation aux violences les plus graves, y compris les violences sexuelles.
Toutes ces techniques peuvent ensuite amener à la mise en place d'un revenge porn* : (vengeance pornographique ou revanche pornographique en français) C'est un contenu sexuellement explicite qui est publiquement partagé en ligne sans le consentement de la ou des personnes apparaissant sur le contenu dans le but d'en faire une forme de « vengeance ». Le revenge porn peut être mis en ligne par un ex-partenaire avec l'intention d'agresser ou d'embarrasser la personne sur la photo ou la vidéo. Elle peut aussi être mise en ligne par un « pirate » qui exigera une somme d'argent pour supprimer le contenu exposé.
*wikipedia
Tout l' « art » du harcèlement à caractère sexuel sur Internet consiste donc à publier de façon publique et sans consentement des éléments sexuels visuels qui à la base étaient censés être d'ordre privé, ou qui ont été réalisés à l'insu de la personne et/ou sans son consentement.
Parfois c'est par pure malveillance. Parfois, par chantage. De la part d'un ex donc, qui n'a pas supporté que sa petite copine parte vers un autre gars du collège. De la part d'adultes déviants, prédateurs sexuels qui ligotent ainsi leur proie en la menaçant d'envoyer les photos à ses parents par exemple, ou en lui demandant de l'argent.

On voit forcément le piège venir, non ?!
Beaucoup pense que les jeunes qui se retrouvent dans cette situation l'ont sans doute chercher. Qu'ils ont été bien naïfs, et qu'un ado bien dans ses baskets repère de suite l'arnaque...
Détrompez-vous braves gens ! Rappelez-vous ce que l'on ressent ado quand on se cherche ? Quand on est amoureux ? Quand le beau mec/la belle nana de la classe se penche sur votre cas ? On est à l'ouest tout simplement, on perd son sens critique, on ne se méfie pas, et on y croit ! Alors la belle gueule sur Facebook qui vous trouve canon, là où nous on se trouve moche... On devient un chouille vulnérable. C'est comme pour les adultes: dans « tomber sous le charme », ou « tomber amoureux », il y a « tomber ». Et il se trouve que des adultes (censés être avertis et mûrs comparés à des ados, n'est-ce pas!) sont également victimes de ce genre de manipulation.
Mais il se trouve qu'aujourd'hui les réseaux sociaux mettent régulièrement un écran entre l'ado et son « flirt ». Cet écran facilite la désinhibition des comportements de séduction. Influencés par les contenus hyper-sexualisés que la société, via les clips, la télé-réalité, les pubs et autres, leur fait croire être le must absolu en matière de comportement de séduction et de sexualité, les ados se lancent parfois dans les sexting et autres.
Le problème, c'est que les ados étant souvent dans l'instant présent, ils sous-estiment énormément la réaction possible du copain quand il sera largué plus tard. Idem de la compétition entre garçons (mais aussi entre filles parfois) à montrer photos et vidéos pour faire voir aux autres comment ma « meuf » (mon « mec ») est trop bien goalé(e), t'as vu ça ? Trop sexy !
Et surtout, ils sous-estiment le nombre de prédateurs sexuels qui adorent se faire passer pour des petits jeunes sympas et belles gueules, et savent très bien les points sensibles des adolescents. Ils sont ainsi des pros de la flatterie, notamment sur le physique... Et ça, on ne peut pas le voir venir si les parents et autres adultes n'ont pas réellement expliqué et averti. Soit si les parents eux-mêmes ne savent pas ce qui se passe exactement sur Internet.
Conséquences psychologiques sur la victime
On ne peut donc tellement pas le voir venir la plupart du temps, qu'il y a donc 1 fille sur 6 et 1 garçon sur 10 qui se retrouvent victimes.
Une fois confrontée aux contenus pornographiques envoyés par le prédateur, ou une fois qu'elle a réalisé que sa photo circulait sur internet, la victime du harcèlement à caractère sexuel va se retrouver embarquée dans une spirale infernale.
La peur, la panique vont la tétaniser la plupart du temps. Un sentiment d'impuissance totale va la submerger et accentuer la peur. L'impact des images va être vécu comme une agression. Ce qui l'est.
Mais il va y avoir également la honte qui va venir s'installer et ronger la victime. Alors que c'est bien évidemment à l'agresseur d'avoir honte, la victime est souvent persuadée qu'au final, c'est elle qui est sale, nulle, faible etc... Elle a dû le chercher, le mériter, se dit-elle souvent. Elle se sent souillée, mais prend la culpabilité à son compte.
Cela l'enferme alors souvent dans le silence, et donc peu à peu l'isolement.
22% des enfants harcelés n'en parlent à personne*
Si personne ne remarque son mal-être, sa souffrance, son changement de comportement, et qu'elle reste seule avec son traumatisme, alors qu'il soit sexuel ou non, il se trouve que 61% des élèves harcelés disent avoir des pensées suicidaires qui amènent 3 à 4 adolescent au suicide par an en France.* https://dai.ly/x5axa13
Illustration
« En 2012, deux Français de 17 et 18 ans se sont suicidés après avoir été piégés par des internautes qu’ils pensaient être des jeunes filles.
Les garçons s’étaient alors déshabillés devant leur webcam, jusqu’à ce que leurs interlocuteurs, en fait des prédateurs basés en Côte d’Ivoire, les menacent de diffuser les vidéos pour obtenir de l’argent... »

Que faire?
Avertir en amont!!!
Le plus efficace pour éviter que les ados se retrouvent piégés dans ces traquenards sordides, c'est que les parents et autres adultes prennent conscience de la réalité de l'ampleur de ce phénomène, de ses rouages, et de ses conséquences.
Un parent clairement au courant sera à même d'expliquer à ses enfants les techniques des prédateurs. Les risques de partager des photos sexy avec son copain/sa copine.
Ils seront à même de rappeler l'importance de l'intimité, du privé, et que la sexualité et la nudité sont plus en sécurité dans cet espace-là. Dans le direct, à deux, et non séparés par un écran interposé.
Il y a également une attention particulière à porter aux ados : en effet, beaucoup d'adultes attribuent un changement d'humeur, une tristesse, un renfermement, à la fameuse « crise » d'adolescence ». Mais il ne faut pas oublier qu'il y a parfois des tristesses, nervosités ou replis sur soi chez l'ado qui ne relèvent pas du tout de leurs hormones, mais bel et bien d'une situation traumatique qu'ils sont en train de subir en silence.
L'idée n'est donc pas de dire : plus d'Internet. Ce serait comme dire «plus de vélo » parce que le petit voisin s'est fait renversé par un chauffard.
L'idée est de donner tous les outils possibles pour que, si l'ado se retrouve face à cette situation, il puisse réagir vite, et surtout se sentir la liberté d'en parler de suite à ses parents ou à d'autres adultes.
En premier lieu: toute demande quasi immédiate de numéro de téléphone, d'aller échanger sur un autre support (Snapchat notamment qui implique le numéro de téléphone!), de questions sur seul ou en couple, lieu d'habitation, trajet pour rentrer chez soi, demande de photos (alors qu'il y en a sur le profil!), etc, doivent alerter.
Toute flatterie ultra rapide: "bonjour, t'es super jolie", ou utilisation de termes sexués rapide également: "t'es ultra sexy", "t'as l'air d'avoir un beau décolleté", "t'as l'air chaud(e)" et encore plus toute utilisation de termes crus: "tu me fais bander", "montre-moi ta bite" etc, doivent encore plus alerter sur la forte possibilité d'un prédateur sexuels en chasse et pas un simple petit ado provocateur!
Pour aider, voici quelques sites d'informations sur le sujet, pour les parents, les ados, mais aussi tout adulte.
La chaîne youtube : « Parents, parlons-en ! » Vidéos de conseils pour en parler avec ses enfants.
Enfin, il existe un numéro vert :
Net écoute: 0800 200 000 Service et appel gratuit
(Pour info: ils reçoivent plus de 100 appels par jour...)
Si malheureusement l'ado s'est fait piégé, il est possible d'agir! Cyberharcelement561 nous explique:
« Le cyber-harcèlement est un crime, et comme tout crime, il est évidemment puni par la loi. Le harcelé peut porter plainte par lui même à l’aide de preuves (messages, photos sur les réseaux sociaux…), mais il doit être accompagné par ses parents s’il est mineur. Il peut également porter plainte contre X si ses harceleurs se montrent comme anonymes sur le web, ce sont les forces de l’ordre qui s’occuperont de remonter la trace de ou des auteur(s) des faits par des intermédiaires techniques.
Pour un mineur, la peine maximale sera de 1 an d’emprisonnement et de 7500€ d’amende si la victime a plus de 15 ans, si elle a moins de 15 ans, la peine sera de 18 mois de prison au lieu de 1 an, l’amende sera la même. Pour un majeur, la peine maximale est de 2 ans d’emprisonnement et de 30 000€ d’amende, 3 ans et 45 000€ d’amende si le cyber-harcelé a moins de 15 ans. »
Enfin, pour bien réaliser que non, il ne s'agit pas de petits problèmes de photos sexy pas si grave :
« Le fait de réaliser des messages (audio, vidéos, photos) d'un tiers dans un lieu privé sans son autorisation et de les diffuser est considéré comme une atteinte à la vie privée et est puni par la loi. »
« La diffusion de messages audios ou d'images à caractère sexuel pris dans un lieu privé ou public est punie par la loi, même si la personne était consentante à être enregistrée ou prise en photo au moment des faits. »
Pour plus d'éléments : lecrips-idf.net
Alors, dans le trio ados-sexe-internet, parents, adultes, ajoutez deux éléments : la prévention et le dialogue !
Afin que ce tiercé si risqué se transforme en quinté gagnant ;-)
Lien vers: Quand les écrans mettent les parents à cran...
©cestpsysimple/Anne Schwartzweber.avril2018
