top of page

Le vécu du deuil et de la mort chez l'enfant

On a souvent l'impression que le deuil est un événement qui touche principalement les adultes. Pourtant, les enfants ne sont pas en reste. La plupart du temps c'est à travers le décès d'un grand-parent, ou d'un animal de compagnie qu'ils vont rencontrer la mort pour la première fois. Mais il y a aussi les enfants qui vont être confrontés au décès d'un parent, ou celui d'un frère ou d'une sœur par exemple.

Comment l'enfant comprend-il la mort, et comment la vit-il ?

La représentation de la mort chez l'enfant

La notion de mort et sa compréhension évolue avec l'âge de l'enfant et l'élaboration de sa pensée.

Pour les touts petits, la mort est assimilée à une absence physique, concrète. L'autre n'est pas là, pas présent : « le chat moustache il est pas sur mes genoux », « papa il est pas rentré à la maison », « mamie elle habite plus chez papy » etc. Mais pour l'enfant de cet âge (en dessous de 3/4 ans environ), cette absence est envisagée comme temporaire, et l'enfant va souvent poser la question du retour : « Moustache il rentre quand faire miaou », « C'est quand il revient papa », ou « on va revoir mamie plus tard ? »...

 

Vers 5/6 ans grosso modo, l'enfant commence à comprendre que l'autre est parti et ne reviendra pas, mais pour lui, il reste vivant, ailleurs. Le caractère définitif et concret de la mort n'est pas totalement assimilé: « Mamie elle est partie dans les étoiles », ce qui pour l'enfant signifie que Mamie vit dans les étoiles. Elle vit donc toujours...

 

C'est à partir de 8 ans environ que l'enfant intègre le côté irréversible de la mort, ainsi que son impact physique concret et réel. Le corps, il est éteint, il fonctionne plus. Puis l'universalité de la mort est également acquise : l'enfant constate que ça fait partie de la vie, que les gens meurent, les animaux, les plantes, etc. C'est un cycle.

Les émotions du deuil...

Tout comme l'adulte, l'enfant va vivre différentes émotions au cours de son deuil. Pas forcément dans le même ordre, pas forcément toutes sur la même intensité. Chaque être étant unique, chaque enfant l'est tout autant !

 

Il y a déjà la tristesse, la peine. Les touts petits l'expriment souvent spontanément en pleurant, là où un plus grand peut la ravaler et la taire par peur de faire pleurer les autres, déjà tristes aussi.

Il y a la colère : en fonction de l'âge, ce pourra être « il est pas gentil moustache de plus me faire des câlins », ou « la vie elle est méchante d'avoir fait mourir tonton ». Elle peut sortir clairement, verbalisée ou agie (en tapant sur un coussin, en donnant un coup de pied sur un objet du défunt), ou de façon détournée : agressivité sur quelqu'un par exemple, cassage d'un jouet pourtant aimé, voire retournement de la colère sur soi.

Il y a la culpabilité : « c'est de ma faute si mémé est morte, j'ai pas été gentille avec elle l'autre fois », « j'ai pas été faire de câlin hier à Moustache, il m'en veut j'en suis sûr... ». Surtout chez les plus jeune, du fait de la pensée magique (ce que je pense peut se passer en vrai), la culpabilité est souvent forte et très présente.

Et puis il y a la peur : « est-ce que tu vas mourir toi aussi ? », « je veux pas que tu meures... ». Particulièrement présente lorsque l'enfant n'a pas encore totalement intégré la notion de mort, et qu'il pense que celle-ci est comme une punition, et peut être contagieuse. A ces âges en effet, on ne meurt pas : on est tué par la mort, souvent alors perçue comme un personnage.

 

Il est bien évidemment essentiel d'être à l'écoute des émotions de l'enfant endeuillé, et de ne pas les minimiser en pensant : petit enfant = petite souffrance/ grand adulte = grande souffrance !

Les émotions de l'enfant endeuillé peuvent s'exprimer, se calmer, réapparaître, disparaître etc, au gré de son cheminement intérieur mais aussi des événements qui peuvent venir réveiller la perte : déménagement d'un copain, jouet perdu, etc.

Elles peuvent aussi surprendre les adultes par leur apparente absence : un enfant qui rit et joue avec plaisir à peine quelques jours après le décès par exemple. Cela ne signifie pas que l'enfant ne ressent rien ! Plutôt qu'il compose à sa façon en mettant à distance ses émotions, qu'il ne vit pas sur le même rythme que l'adulte, et qu'il met souvent en place un lien très « vivant » avec le défunt : il lui parle, lui envoie des bisous, lui fait des dessins etc.

A quoi être vigilent ?

L'enfant qui fait l'expérience de la mort va devoir « vivre » son deuil : épreuve obligée dans un chemin de vie... (même si pour certains, les chemins de vie sont plus bombardés d'épreuves de ce type que d'autres, ou que ces dernières arrivent plus tôt...).

Vivre (plutôt que « faire ») son deuil, c'est apprendre peu à peu à apprivoiser l'absence. A placer le lien à celui qui est parti autrement. L'enfant a donc besoin que l'on mette des mots sur ce qui s'est passé, des mots adaptés à son âge. Et que l'on écoute ses mots à lui.

Il faut alors du temps, des paroles, des autorisations de pleurer, des autorisations de crier, taper. Il faut du réconfort, de la tendresse, du partage...

Il faut aussi pouvoir prendre et faire ce dont on a besoin. Là encore, être à l'écoute de la singularité de chacun. Il y a par exemple les enfants qui auront besoin de beaucoup parler, et d'autres qui auront davantage besoin de dessiner en silence pour exprimer leur chagrin. Il y a ceux qui poseront rapidement des questions, d'autres qui le feront plus tard.

 

Il y a par contre des signes qui doivent alerter quant à un deuil qui deviendrait compliqué, voire pathologique comme on dit chez les psys.

D'une manière générale, toute émotion/comportement qui s'installe de façon chronique, forte, et qui perdure dans le temps doit alerter. Par exemple :

  • Pleurs tous les jours, à la maison, l'école etc, et toujours autant après quelques semaines.

  • Un isolement qui s'installe : l'enfant ne joue plus avec ses amis, reste seul dans la cour de récré, s'enferme dans le silence etc.

  • Au niveau de la culpabilité : l'enfant qui répète que c'est de sa faute, qu'il est méchant, nul, voire qui se met à s'en prendre à lui-même : auto-mutilation, tapes sur lui-même etc.

  • Concernant la peur : mise en place d'une forte angoisse de séparation : l'enfant ne veut plus être seul, pleure et hurle s'il doit quitter son/ses parents, cauchemars avec réveils nocturnes en pleurs etc.

  • L'apparition de troubles somatiques jusqu'alors absents : maux de ventre chronique, eczéma, douleurs diverses « inexpliquées »...

 

Si des signes de ce type se manifestent, encore une fois de façon importante et sur la durée, cela témoigne d'une souffrance trop importante que l'enfant n'arrive pas à réguler. Il est alors nécessaire d'aller consulter. Car il se trouve en plus que les enfants protégeant spontanément leurs parents, beaucoup voire la majorité d'entre eux vont avoir tendance à masquer leur souffrance à l'entourage de peur de réveiller la leur...

Un point relais essentiel: les autres...

Quand un enfant est endeuillé, dans la plupart des cas sa famille l'est aussi.

On pointe souvent qu'il est très important de pouvoir pleurer en famille, ensemble, de pouvoir partager sur celui/celle qui est parti(e) etc. Mais dans les faits, ce n'est pas toujours facile, loin de là !

En effet, happés par leur propre tristesse, les proches ont parfois du mal (et ça se comprend) à accueillir les émotions et questions de l'enfant (parfois perturbantes et/ou laissant l'adulte désœuvré), et surtout à le réconforter et le sécuriser à certains moments (eux-mêmes étant insécurisés et en souffrance).

 

Une aide précieuse est donc de pouvoir faire appel à des personnes extérieures (amis proches, nounou, ou toute autre personne de confiance), moins touchées affectivement et directement par le décès, et qui pourront ainsi offrir une oreille attentive à l'enfant sans que ce dernier n'ait crainte de blesser l'autre par ses dires, ou de le faire pleurer.

Avoir des personnes relais pour l'enfant lui sera souvent une aide précieuse pour extérioriser ses blessures et poser ses questions.

Pour aller plus loin...

* Quand l'enfant est confronté à un deuil par suicide, voici une excellente vidéo d'Hélène Romano (à voir aussi pour compléter notre compréhension du deuil chez l'enfant, et notamment l'importance de mettre des mots sur ce qui est arrivé, de ne pas cacher à l'enfant...).

Voici également un petit exercice ludique pour aider un enfant qui s'interroge sur la mort, pourquoi elle existe, etc.  

" Pourquoi y a la mort ? "

 

 

* Pour les plus petits qui ont malheureusement perdu un proche, voici une petite histoire sur le deuil qui pourra peut-être aider, et servir de support à un échange avec l'enfant sur ce qu'il ressent, sur comment il imagine les choses quant à celui/celle qui est partie...

"Tout là-haut"

Lien vers: Les enfants de remplacement...

©cestpsysimple.mars2018

bottom of page